Que de sang dans ma mémoire ! Dans ma mémoire sont des lagunes. Elles sont couvertes de têtes de morts. Elles ne sont pas couvertes de nénuphars. Dans ma mémoire sont des lagunes. Sur leurs rives ne sont pas étendus des pagnes de femmes.
Ma mémoire est entourée de sang. Ma mémoire a sa ceinture de cadavres !
et mitraille de barils de rhum génialement arrosant nos révoltes ignobles, pâmoisons d’yeux doux d’avoir lampé la liberté féroce
(les nègres-sont-tous-les-mêmes, je-vous-le-dis
les vices-tous-les-vices, c’est-moi-qui-vous-le-dis
l’odeur-du-nègre, ça-fait-pousser-la-canne
rappelez-vous-le-vieux-dicton :
battre-un-nègre, c’est le nourrir)
***
Aimé Césaire, extrait du Cahier d’un retour au pays natal, 1939
2 commentaires
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10 avril 2010 à 11:06
Désirée
Tu as eu un crash-blog Ad??
En tout cas terrible ce texte, terrible. Césaire fait souvent ressurgir chez moi les images du film « Rue case-nègres »…
10 avril 2010 à 11:17
Ad
Crash-blog, je sais pas, c’est le thème que j’avais choisi qui bugue, on ne pouvait plus lire ou écrire de commentaires… Ils m’ont dit de mettre un autre thème en attendant réparation… 😦
Dans Césaire c’est « la rue Paille », avec le lit de paille de ses parents « d’où est sortie toute [sa] race » !