Seigneur, est-ce donc vrai qu’en ces mois vous pêchez,
Sous les lunes de mai, les morts de la rizière,
Que leurs yeux sans regards et leurs cheveux noyés
servent la juste guerre?
Dans un calme jardin, nous voici donc assis,
et c’est le temps si beau de la fleur et de l’arbre.
On célèbre un tombeau d’où vous êtes parti.
Pâques fait son théâtre.
Faut-il tout pardonner pour un dieu qu’on nous donne?
Sur les cités d’Asie et sur l’enfant brûlé,
au Mont des Oliviers, en votre temps de l’homme,
n’avez-vous pas pleuré?
Sous l’eau j’ai vu glisser la fille aux jeunes seins
si longue dans sa mort! j’ai vu courir les mères
avec leur bouche ouverte qui ne criait plus rien.
Qu’en pense votre mère?
Le mot de paradis en cette nuit fait honte.
Des arbres à pendus dressent d’autres vergers.
Allons-nous oublier tout le malheur du monde
pour l’odeur d’un pommier?
5 commentaires
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19 mai 2010 à 06:32
arbrealettres
Même écho chez Francis Jammes… sans écho du ciel il nous reste à chanter nous-même…
Par le petit garçon qui meurt près de sa mère
Tandis que des enfants s’amusent au parterre
Et par l’oiseau blessé qui ne sait pas comment
Son aile tout à coup s’ensanglante et descend
Par la soif et la faim et le délire ardent Je vous salue, Marie.
Par les gosses battus, par l’ivrogne qui rentre
Par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre
Et par l’humiliation de l’innocent châtié
Par la vierge vendue qu’on a déshabillée
Par le fils dont la mère a été insultée Je vous salue, Marie.
Par la vieille qui, trébuchant sous trop de poids
S’écrie: » Mon Dieu ! » par le malheureux dont les bras
Ne purent s’appuyer sur une amour humaine
Comme la Croix du Fils sur Simon de Cyrène
Par le cheval tombé sous le chariot qu’il traîne Je vous salue, Marie.
Par les quatre horizons qui crucifient le monde
Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe
Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains
Par le malade que l’on opère et qui geint
Et par le juste mis au rang des assassins Je vous salue, Marie.
Par la mère apprenant que son fils est guéri
Par l’oiseau rappelant l’oiseau tombé du nid
Par l’herbe qui a soif et recueille l’ondée
Par le baiser perdu par l’amour redonné
Et par le mendiant retrouvant sa monnaie Je vous salue, Marie.
19 mai 2010 à 08:20
Désirée
L’un de mes poèmes préférés de Andrée.
Je rebondis sur celui de Francis Jammes posé par Arbreàlettres, qui est un si sinistre tableau de l’Humanité aussi, et qui me touche particulièrement.
Bonne journée Ad!
19 mai 2010 à 09:41
Langda
Ca tombe bien, le poème de Francis Jammes fait partie de ceux que je comptais poster un jour ou l’autre 🙂
Les deux poèmes sont très touchants et vont bien ensemble je trouve…
Bonne journée à vous deux ! Désirée, j’espère que ton recueil avance bien !
20 mai 2010 à 09:14
Désirée
Oui ça avance, pas très vite parce qu’entièrement constitué d’inédits. Et puis j’ai des jours avec et des jours sans. Hier c’était « avec », deux poèmes au lever, le bouchon de pécheur qui me tient lieu de tête avec bien dérivé la nuit durant.
Bonne journée Ad 🙂
20 mai 2010 à 09:41
Langda
Bien bien ! de toute façon la poésie n’est pas un concours de rapidité… et en tout cas le bouchon de pécheur n’a pas résisté à l’appât de ce beau texte de Sodenkamp 😉
Bonne journée à toi aussi Désirée !