Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d’eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !
L’un agace son bec avec un brûle-gueule,
L’autre mime en boitant, l’infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.
***
Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, éd° de 1861
2 commentaires
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4 juin 2010 à 18:40
Désirée
Certainement le plus connu et le plus aimé des poèmes de Baudelaire qui y décrit si bien le poète…en tout cas mon préféré.
4 juin 2010 à 18:52
Langda
Oui, je n’ai pas fait dans l’originalité ! je ne pense pas avoir fait découvrir ce poème à un grand nombre de personnes en le postant sur ce blog… Mais il est tellement bien, même à relire !