On ne manque pas de sociologues à faible quotient intellectuel aujourd’hui. Pourquoi j’en ajouterais, avec mon intelligence supérieure ? On a tous entendu ces vieilles femmes qui disent : « Oh, comme c’est AFFREUX cette jeunesse qui se détruit avec toutes ces drogues ! C’est terrible ! » Et puis tu regardes la vieille peau : sans dents, sans yeux, sans cervelle, sans âme, sans cul, sans bouche, sans couleur, sans nerfs, sans rien, rien qu’un bâton, et tu te demandes ce que son thé, ses biscuits, son église et son petit pavillon ont fait pour ELLE. Et les vieux se mettent parfois dans une colère noire contre les jeunes : « Bon sang, j’ai travaillé DUR toute ma vie ! » (Ils prennent le travail pour une vertu, mais ça prouve seulement qu’un type est taré.) « Les jeunes veulent tout pour RIEN ! Ils s’abîment la santé avec la drogue, ils s’imaginent qu’ils vont vivre sans se salir les mains ! »
Puis tu LE regardes :
Amen.
Il est seulement jaloux. Il s’est fait enculer, on lui a piqué ses plus belles années. Il meurt d’envie de baiser. S’il tient jusqu’au bout. Mais il peut plus. Donc, maintenant, il veut que les jeunes souffrent comme il a souffert.
La plupart du temps, c’est de ça qu’il s’agit. Les défoncés en font trop à propos de leur sacrée défonce et le public pareil avec l’usage de la drogue. La police se remue et les défoncés se font pincer, et ils se prennent pour des martyrs, tandis que l’alcool reste légal, tant que vous ne dépassez pas la mesure et que vous n’êtes pas pris dans la rue et mis en prison. Quoi que vous donniez à la race humaine, elle s’écorchera avec et vomira dessus. Si on légalisait la défonce on se sentirait un peu mieux aux Etats-Unis, mais pas tellement. Tant qu’il y aura des tribunaux, des prisons, des hommes de loi et des lois, les gens se défonceront.
Leur demander de légaliser la défonce, c’est un peu comme leur demander de beurrer les menottes avant de nous les passer.
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Charles Bukowski – « La Grande Défonce« , in Nouveaux contes de la folie ordinaire, 1967
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5 commentaires
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8 juillet 2010 à 19:48
latrace
merci pour cette découverte…c’est cru c’est drôle c’est toujours d’actualité:))
8 juillet 2010 à 20:05
shaman
ô que j’aime ça!!!
on devrait le lire a la messe et dans les collèges, lol…
8 juillet 2010 à 20:22
latrace
hahahaha ça sera sûrement plus fun et moins ennuyeux
10 juillet 2010 à 12:54
Kajan
« Quoi que vous donniez à la race humaine, elle s’écorchera avec et vomira dessus. » …alors se défoncer ou pas… défense et défonce même combat…
personnellement je choisis l’humour!
27 janvier 2011 à 13:31
bistro
Cet extrait pourrait laisser croire que Bukowski aime la défonce, la consommation de drogues comme la marijuana et l’héroïne. Bien au contraire, il s’agit de lire ce qui précède cet extrait, où Bukowski critique les défoncés et s’en moque. Il y fait l’éloge de l’alcool, et fustige au contraire les consommateurs de cannabis et de LSD qui selon lui cherchent avant tout à se donner un genre puisqu’ils se sentent obligés de faire savoir à tout le monde qu’ils se défoncent, et qu’ils cherchent quasiment toujours, du moins dans les milieux « branchés » que Bukowski décrit ici, à « justifier » leur défonce en la rattachant à l’Art, à la révolte etc… Bukowski s’en moque donc ici, comme il explique ne pas du tout apprécier la défonce que procurent les drogues, hormis l’alcool. Dans ce texte il critique donc les moralistes et bien-pensants, les donneurs de leçon, mais il critique bien plus encore un certain dandysme des consommateurs de marijuana, LSD etc à cette époque. Il explique aussi que la consommation de drogue ne fait pas le génie (poétique, musical etc) mais qu’elle est juste la « récréation » post-création de certains artistes et écrivains. La nuance est importante.