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vous ne les verrez pas souvent
car où est la foule
ils
ne sont pas.
ces gens bizarres, pas
nombreux
mais d’eux
proviennent
les rares
bons tableaux
les rares
bonnes symphonies
les rares
bons livres
et autres
œuvres.
et des
meilleurs des
étranges
peut-être
rien.
ils sont
leurs propres
tableaux
leurs propres
livres
leur propre
musique
leur propre
œuvre.
parfois je crois
les voir
eux – disons
un certain vieil
homme
assis sur un
certain banc
d’une certaine
façon
ou
un visage entrevu
croisé
dans une
automobile
qui passe
ou
un certain geste
des mains
d’un garçon ou d’une
fille
qui emballe les provisions
à la caisse d’un
supermarché.
parfois
c’est même quelqu’un
avec qui
on vit
depuis un certain
temps –
on remarque
un
regard
vif comme l’éclair
qu’on ne leur a
jamais vu
avant.
parfois
on ne remarque
leur
existence
que soudain
dans un
vif
souvenir
quelques mois
quelques années
après leur
départ.
je me rappelle
un cas
semblable-
il avait dans les
20 ans
soûl à
10 heures du matin
se regardait dans
une glace
fêlée
de La Nouvelle-Orléans
visage rêveur
contre les
murs du
monde
où
suis-je
allé? |
you wont see them often
for wherever the crowds are
they
are not.
these odd ones, not
many
but from them
come
the few
good paintings
the few
good symphonies
the few
good books
and other
works.
and from the
best of the
strange ones
perhaps
nothing.
they are
their own
paintings
their own
books
their own
music
their own
work.
sometimes i think
i see
them- say
a certain old
man
sitting on a
certain bench
in a certain
way
or
a quick face
going the other
way
in a passing
automobile
or
there’s a certain motion
of the hands
of a bag-boy or a bag-
girl
while packing
supermarket
groceries.
sometimes
it is even somebody
you have been
living with
for some
time-
you will notice
a
lightning quick
glance
never seen
from them
before.
sometimes
you will only note
their
existence
suddenly
in
vivid
recall
some months
some years
after they are
gone.
i remember
such a
one-
he was about
20 years old
drunk at
10 a.m.
staring into
a cracked
new orleans
mirror
face dreaming
against the
walls of
the world
where
did i
go? |
3 commentaires
Comments feed for this article
10 mars 2011 à 10:03
Pivoine
En écoutant Charles Bukowsky – Les plus forts des étranges (The strongest of the strange, 1990) et en lisant ta traduction, j’ai vu en flash ces gens bizarres croisés ici et là au cours de ma vie. Certains sont morts soit sur le plan terrestre soit sur le plan virtuel. Ils m’ont transmis leurs richesses étranges. Je leurs dois de n’être pas robotisée et d’assumer plus ou moins ma propre bizarrerie. Je leurs dois le sens de l’amour et du respect, même lorsque je suis tourmentée par la haine et l’intolérance.
10 mars 2011 à 11:23
Langda
Une question posée par ce poème est « est-ce que je fais moi-même partie de ces plus forts des étranges ? » Bukowsky se pose la question à son propre sujet : on peut se demander s’il ne parle pas de lui-même lorsqu’il dit « quelqu’un avec qui on vit depuis un certain temps » et lorsqu’il parle d’un jeune de 20 ans soûl à 10 du matin. D’où le miroir fêlé et la question finale : j’étais un de ces plus forts des étranges, que suis-je devenu ? Il nous invite à nous poser la même question. Enfin c’est mon interprétation…
En tout cas, ce qui est sûr, c’est que toi, tu fais partie des plus fortes des étranges !!!
La traduction n’est pas de moi. Détail qui tue, j’ai juste rajouté « eux » à la 3e strophe. Pour le reste, elle est un peu trop mot à mot, mais cela permet de respecter la brièveté des vers. Il faudrait peut-être revoir un peu les deux premières strophes, qui ne veulent pas dire grand chose en français ; mais j’ai l’impression que le problème est le même dans la v.o. …
Bises et bonne journée !
11 mars 2011 à 10:04
Pivoine
Merci Langda pour ces précisions lesquelles m’avaient échappé. Je ne prends guère de recul lorsque je découvre un poème sur ton blog. Je réagis à l’instinct, à chaud, émotivement.
J’adhère à ton appréciation de la traduction du poème. Le « eux » que tu as rajouté à la 3ème strophe me semble indispensable. Quant à la VO, j’ai la même impression que toi concernant les 2 premières strophes.
Je prends comme un éloge le commentaire suivant:
« En tout cas, ce qui est sûr, c’est que toi, tu fais partie des plus fortes des étranges !!! »
Diantre, me voila découverte !!!!
PS: les gens étranges ne sont pas bisous pour deux sous sauf dans des circonstances qu’ils jugent exceptionnelles. Bises et bon vent !!!!