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Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.
Comme il ne faut pas oublier que les chanteurs, disons les auteurs-compositeurs, sont aussi des poètes, et qui plus est, au sens le plus traditionnel du terme, je vais me mettre à poster aussi quelques chansons. Il faudrait regarder la vidéo jusqu’au bout : à la fin, cela donne une idée de ce qu’était le furor antique !
Comme un éclat de rire
Vient consoler tristesse
Comme un souffle à venir
Vient raviver les braises
Comme un parfum de souffre
Qui fait naître la flamme
Jeunesse lève toi
Contre la vie qui va qui vient
Puis qui s’éteint
Contre l’amour qu’on prend qu’on tient
Mais qui tient pas
Contre la trace qui s’efface
Derrière soi
Jeunesse lève-toi
Moi contre ton épaule
Je repars à la lutte
Contre les gravités
qui nous mènent à la chute
Pour faire du bruit encore
A réveiller les morts
Pour redonner éclat
A l’émeraude en toi
Pour rendre au crépuscule
La beauté des aurores
Dis moi qu’on brûle encore
Dis-moi que brûle encore
Cet espoir que tu tiens
Parce que tu n’en sais rien
De la fougue et du feu
Que je vois dans tes yeux
Jeunesse lève toi
Quand tu vois comme on pleure
A chaque rue sa peine
Comment on nous écoeure
Perfusion dans la veine
A l’ombre du faisceau
Mon vieux tu m’auras plus
Ami dis quand viendra la crue
Contre courant toujours sont les contre-cultures
Au gré des émissions leurs gueules de vide-ordures
Puisque s’en est sonnée la mort du politique
L’heure est aux rêves
Aux utopies
Pour faire nos ADN
Un peu plus équitables
Pour faire de la poussière
Un peu plus que du sable
Dans ce triste pays
Tu sais un jour ou l’autre
Faudra tuer le père
Faire entendre ta voix
Jeunesse lève toi
Au clair de lune indien
Toujours surfer la vague
A l’âme au creux des reins
Faut aiguiser la lame
Puisqu’ici il n’y a qu’au combat qu’on est libre
De ton triste sommeil je t’en prie libère-toi
Puisqu’ici il faut faire des bilans et du chiffre
Sont nos amours toujours au bord du précipice
N’entends-tu pas ce soir chanter le chant des morts
Ne vois tu pas le ciel à la portée des doigts
Jeunesse lève toi
Comme un éclat de rire
Vient consoler tristesse,
Comme un souffle à venir
Vient raviver les braises
Comme un parfum de souffre
Qui fait naître la flamme
Quand plongé dans le gouffre on sait plus où est l’âme
Jeunesse lève toi
Contre la vie qui va qui vient
Puis qui nous perd
Contre l’amour qu’on prend qu’on tient
Puis qu’on enterre
Contre la trace qui s’efface
Derrière soi
JEUNESSE LÈVE-TOI
Au clair de lune indien
Toujours surfer la vague
A l’âme
Au creux des reins
Faut aiguiser la lame
Puisqu’ici il n’y a qu’au combat qu’on est libre
De ton triste coma, je t’en prie libère-toi
Puisqu’ici il faut faire des bilans et du chiffre
Sont nos amours toujours au bord du précipice
N’entends-tu pas ce soir chanter le chant des morts
A la mémoire de ceux qui sont tombés pour toi
Jeunesse lève toi
***
Damien Saez, album Paris-Varsovie-Alhambra, 2008
Je continue dans la série comparaisons saugrenues. Ca se passe pendant les guerres de religion. Les protestants accusent Ronsard d’être prêtre et de mener en parallèle une vie de païen. Ronsard répond qu’il n’est que clerc, et pour se payer la tronche de ses adversaires, qui prêchent en même temps le retour à la pureté de l’Evangile et la guerre, se compare à un « limaçon d’Avril », « guerrier de jardins » tout ce qu’il y a de plus pacifiste et inoffensif (mais il a quand même un peu exhorté les catholiques à massacrer les protestants dans des oeuvres antérieures…) :
Par le trou de la chape aparoist élevé
Mon col brave & gaillard, comme le chef lavé
D’un limaçon d’Avril, qui traine en mainte sorte
Par un trac limonneux le beau palais qu’il porte
Et desur l’herbe tendre errant deça dela
Dresse parmi les fleurs les deux cornes qu’il ha :
Un guerrier de jardins, qui se paist de rousée
Dont sa ronde maison est par tout arrousée.
Ainsi paroist mon chef, & me sens bien heureux
De faire cet estat si saint & genereux.
***
Ronsard, Responce aux injures et calomnies de je ne scay quels Predicans, et Ministres de Geneve, v577-586
chape : ici manteau de clerc.
col : cou
chef : tête
limaçon : escargot
par le trac limonneux : sur le chemin boueux
rousée / arousée : rosée / arrosée
Qu’avez vous fait, vous, les gidiens, les cérébraux, les rilkéens, les mystériens, les faux sorciers exitentiels, vous, les pavots surréalistes qui flambiez sur une tombe, les cadavres de la mode européisés, les blancs asticots du fromage capitaliste, qu’avez-vous fait devant le règne de l’angoisse, devant cet obscur être humain cette présence piétinée, cette tête qu’on enfonçait dans le fumier, cette nature, de rudes vies foulées aux pieds ? Vous avez pris la poudre d’escampette pour vendre vos monceaux d’ordure, pour chercher des cheveux célestes, la plante lâche, l’ongle ébréché, la « Beauté pure », le « sortilège », des oeuvres de pauvres capons pour que les yeux s’évadent, pour que les délicates pupilles s’embrouillent, pour survivre avec ce plat de rogatons que vous ont jeté les seigneurs, sans voir la pierre à l’agonie, sans protéger, sans conquérir, plus aveugles que les couronnes du cimetière, quand la pluie tombe sur les fleurs immobiles, les fleurs pourries des sépultures. |
Qué hicisteis vosotros gidistas, intelectuales, rilkistas, misterizantes, falsos brujos existenciales, amapolas surrealistas encendidas en una tumba, europeizados cadáveres de moda, pálidas lombrices del queso capitalista, qué hicisteis ante el reinado de la angustia, frente a este oscuro ser humano, a esta pateada compostura, a esta cabeza sumergida en el estiércol, a esta esencia de ásperas vidas pisoteadas? No hicisteis nada sino la fuga: vendisteis hacinado detritus, buscasteis cabellos celestes, plantas cobardes, uñas rotas, «belleza pura», «sortilegio», obra de pobres asustados para evadir los ojos, para enmarañar las delicadas pupilas, para subsistir con el plato de restos sucios que os arrojaron los señores, sin vender la piedra en agonía, sin defender, sin conquistar, más ciegos que las coronas del cementerio, cuando cae la lluvia sobre las inmóviles flores podridas de las tumbas. |
***
Pablo Neruda, Chant Général, V, 2, 1950
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