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Déjà les beaux jours, la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
Et rien de vert : à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !
Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.
***
Gérard de Nerval (1808-1855) (« Odelettes« )
Tableau : Monet, Nymphéas, 1908
Ceux qui dussent parler sont muts :
Les loyaux sont pour sots tenus ;
Je n’en vois nuls
Qui de bonté tiennent plus compte,
Vertus vont jus, péchés haut montent :
Ce vous est honte,
Seigneurs grands, moyens et menus.
Flatteurs sont grands gens devenus
Et à hauts états parvenus,
Entretenus,
Tant qu’il n’est rien qui les surmontent.
Ceux qui dussent parler sont muts.
Nous naquîmes pauvres et nus.
Les biens nous sont de Dieu venus,
Nos cas connus.
Lui sont pour vrai, je vous le conte ;
Pape, empereur, roi, duc ou comte
Tout se mécompte
Quand les bons ne sont soutenus,
Ceux qui dussent parler sont muts.
…………
Il y a les tissus-cuisses,
les tissus-seins,
les tissus-fesses,
les tissus-tailles,
les tissus-hanches,
les tissus-pinces,
les tissus de l’ampleur qui sont l’entrée promise,
il y a les durs tissus-pubis, carénés, ostensibles.
Elles sont l’œcuménisme des foules ;
faites pour être communiées,
conduites entre les glaives,
jugées et condamnées,
souffletées, flagellées,
bardelinées d’épines et cassées sous nos croix.
Elles sont le noir reflux d’une vieille démence.
Les dimanches de la Passion.
Je les crucifie flegmatiquement dans mon œil.
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s’ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s’écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?…
Ce deuil est sans raison.
C’est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
***
Verlaine, in Romances sans paroles, 1874
Tableau : Rue de Paris par temps de pluie, Gustave Caillebotte, 1877
On ne manque pas de sociologues à faible quotient intellectuel aujourd’hui. Pourquoi j’en ajouterais, avec mon intelligence supérieure ? On a tous entendu ces vieilles femmes qui disent : « Oh, comme c’est AFFREUX cette jeunesse qui se détruit avec toutes ces drogues ! C’est terrible ! » Et puis tu regardes la vieille peau : sans dents, sans yeux, sans cervelle, sans âme, sans cul, sans bouche, sans couleur, sans nerfs, sans rien, rien qu’un bâton, et tu te demandes ce que son thé, ses biscuits, son église et son petit pavillon ont fait pour ELLE. Et les vieux se mettent parfois dans une colère noire contre les jeunes : « Bon sang, j’ai travaillé DUR toute ma vie ! » (Ils prennent le travail pour une vertu, mais ça prouve seulement qu’un type est taré.) « Les jeunes veulent tout pour RIEN ! Ils s’abîment la santé avec la drogue, ils s’imaginent qu’ils vont vivre sans se salir les mains ! »
Puis tu LE regardes :
Amen.
Il est seulement jaloux. Il s’est fait enculer, on lui a piqué ses plus belles années. Il meurt d’envie de baiser. S’il tient jusqu’au bout. Mais il peut plus. Donc, maintenant, il veut que les jeunes souffrent comme il a souffert.
La plupart du temps, c’est de ça qu’il s’agit. Les défoncés en font trop à propos de leur sacrée défonce et le public pareil avec l’usage de la drogue. La police se remue et les défoncés se font pincer, et ils se prennent pour des martyrs, tandis que l’alcool reste légal, tant que vous ne dépassez pas la mesure et que vous n’êtes pas pris dans la rue et mis en prison. Quoi que vous donniez à la race humaine, elle s’écorchera avec et vomira dessus. Si on légalisait la défonce on se sentirait un peu mieux aux Etats-Unis, mais pas tellement. Tant qu’il y aura des tribunaux, des prisons, des hommes de loi et des lois, les gens se défonceront.
Leur demander de légaliser la défonce, c’est un peu comme leur demander de beurrer les menottes avant de nous les passer.
***
Charles Bukowski – « La Grande Défonce« , in Nouveaux contes de la folie ordinaire, 1967
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Je crois que pour saisir une partie du sens de ce poème, il faut essayer de le lire à haute voix en respectant la ponctuation et la versification : pauses seulement après points et virgules ; pas de pause à la rime et à la césure (après la 6e syllabe pour les alexandrins) s’il n’y en a pas, mais accent d’intensité ou allongement du son vocalique ; quand une virgule est précédée d’un e muet et suivie d’une consonne, manque de chance, on ne peut pas reprendre son souffle, car on ne peut marquer la virgule et prononcer le e muet qu’en allongeant la voyelle précédente (ex : v4 Mooooon-teu-co-meu-dan…). Normalement, à la fin de ce poème, vous devriez devenir tout bleu, avec une voix de macchabée…
Mon âme vers ton front où rêve, ô calme soeur,
Un automne jonché de taches de rousseur,
Et vers le ciel errant de ton oeil angélique
Monte, comme dans un jardin mélancolique,
Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur!
– Vers l’Azur attendri d’octobre pâle et pur
Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie,
Et laisse sur l’eau morte où la fauve agonie
Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.
Aux branches claires des tilleuls
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent parmi les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s’enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange,
L’azur et l’onde communient.
Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse.
Qu’on patiente et qu’on s’ennuie
C’est trop simple. Fi de mes peines.
Je veux que l’été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,
– Ah ! moins seul et moins nul ! – je meure.
Au lieu que les Bergers, c’est drôle,
Meurent à peu près par le monde.
Je veux bien que les saisons m’usent.
À toi, Nature, je me rends ;
Et ma faim et toute ma soif.
Et, s’il te plaît, nourris, abreuve.
Rien de rien ne m’illusionne ;
C’est rire aux parents, qu’au soleil,
Mais moi je ne veux rire à rien ;
Et libre soit cette infortune.
***
Arthur Rimbaud, « Bannières de mai », dans « Fêtes de la patience », mai 1872
Le vingt et un. La nuit. Lundi.
Les contours de la ville dans la brume.
Je ne sais quel nigaud a prétendu
Que l’amour existe sur la terre.
Paresse ? Ennui ? On y a cru.
On en vit ; on attend le rendez-vous.
On craint la séparation.
On chante des chansons d’amour.
D’autres découvrent le secret ;
Un silence descend sur eux…
Je suis tombée là-dessus par hasard.
Depuis, je suis comme malade.
***
Anna Akhmatova, Troupe blanche, 1917
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