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je vois passer les nuages
les merveilleux nuages
du fond de mon lit-cage
et je voyage je voyage
que sait-on d’un amour d’enfance
pour le ciel et ses nuances
et l’oiseau qui se balance
avec les vents émouvants
que sait-on de l’enfant
qui ne dit rien sinon maman
et tend les mains vers les nuées
jouets de la première année
hochets du monde où il est né
comme s’il était pardonné
***
Jean-Claude Pirotte (1939-2014), Gens sérieux s’abstenir, Ed° Le Castor Astral, 2014
quand j’écris le premier vers
j’ignore tout du deuxième
j’allais dire du second
voici déjà le quatrième
là quatrain c’est le second
il n’y a pas de troisième
les tercets bientôt viendront
si le courage m’entraîne
et je commence un tercet
mû par la nécessité
d’aller au bout du sonnet
au fond ce n’est pas chinois
n’importe qui a le choix
de pratiquer comme moi
***
Jean-Claude Pirotte (1939-2014), Gens sérieux s’abstenir, Ed° Le Castor Astral, 2014
Un jour par an on devrait faire semblant
que la mort aille s’inscrire au chômage,
que nul ne puisse plus perdre son courage,
que personne ne soit tué pour quelques francs.
Les catastrophes dormiraient calmement,
à leur hôtel, jusques au lendemain.
Nul sur son frère ne porterait la main,
nul ne quitterait ce monde volontairement.
Plus d’incendies, plus aucun enterrement,
les assassins eux-mêmes feraient la grève.
Vous pensez sûrement: ce n’est qu’un rêve.
Moi, je dis seulement: faisons semblant.
***
Stig Dagerman (1923-1954) – 23 février 1954
Poème trouvé là
Ni entendre une voix de l’au-delà.
Ni mettre dans le tissu des lignes
…………………………….la chose ineffable.
Ni ciseler la rime avec le soin d’un orfèvre.
Ni belles paroles, ni verbe profond…
Ce soir, Dieu soit loué,
………………..je suis au-dessus
……………………………bien au-dessus de tout cela.
…
Nâzim Hikmet, Il neige dans la nuit et autres poèmes, Poésie / Gallimard.
Les reflets délicats des sapins reposaient à la surface de l’étang transparent.
*
Il y avait huit écrevisses en train de dévorer une lamproie de mer morte au fond de l’étang.
*
Les écrevisses étaient d’un rouge intense.
La lamproie de mer était d’un bleu éclatant.
Un courant dans l’étang faisait aller et venir lentement la lamproie de mer.
On aurait dit que les écrevisse »s mangeaient la lamproie de mer vivante.
*
« Madge, j’ai crié, Viens voir ! »
« Quoi? »
« Viens voir! »
Elle s’est levée de la grosse pierre où elle était assise et me regardait pêcher.
« Viens voir! »
« J’arrive! » Elle s’est mise à courir le long du ruisseau en ma direction.
*
« Regarde », j’ai dit en montrant du doigt le fond de l’étang.
« C’est quoi a dit Madge, un serpent ? »
« C’est une lamproie de mer. »
« On dirait un énorme serpent. Ohhhh! » elle a dit. « Ils la mangent vivante. »
« Non, elle est morte. »
*
« Oh, c’est horrible, dit Marge, absolument horrible. »
« Ouais. »
« C’est horrible, elle a dit, je peux pas voir ça. »
« Moi non plus. »
« Je peux pas voir ça. »
*
On a rien dit d’autre pendant un moment.
On est juste restés là, à regarder les écrevisses dévorer la lamproie de mer.
Richard Brautigan, Pourquoi les poètes inconnus restent inconnus, éd° le Castor Astral, traduit de l’américain pat Thierry Beauchamp et Romain Rabier, 2003 (publication posthume).
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Voici, mes zinfints
Sans en avoir l’air
Le plus beau vers
De la langue française.
Ai, eu, ai, in
Le geai gélatineux geignait dans le jasmin…
Le poite aurait pu dire
Tout à son aise :
« Le geai volumineux picorait des pois fins »
Eh bien ! non, mes zinfints.
Le poite qui a du génie
Jusque dans son délire
D’une main moite
A écrit :
« C’était l’heure divine où, sous le ciel gamin,
LE GEAI GÉLATINEUX GEIGNAIT DANS LE JASMIN.»
Gé, gé, gé, les gé expirent dans le ji.
Là, le geai est agi
Par le génie du poite
Du poite qui s’identifie
À l’oiseau sorti de son nid
Sorti de sa ouate.
Quel galop !
Quel train dans le soupir !
Quel élan souterrain !
Quand vous serez grinds
Mes zinfints
Et que vous aurez une petite amie anglaise
Vous pourrez murmurer
À son oreille dénaturée
Ce vers, le plus beau de la langue française
Et qui vient tout droit du gallo-romain :
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin »
Admirez comme
voyelles et consonnes sont étroitement liées
les zunes zappuyant les zuns de leurs zailes.
Admirez aussi, mes zinfints,
Ces gé à vif
Ces gé sans fin
Tous ces gé zingénus qui sonnent comme un glas :
Le geai géla… « Blaise ! Trois heures de retenue.
Motif : Tape le rythme avec son soulier froid
Sur la tête nue de son voisin.
Me copierez cent fois :
« Le geai gélatineux geignait dans le jasmin. »
René de Obaldia, extrait de Innocentines, 1969
Bureau de Tabac
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