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je vois passer les nuages
les merveilleux nuages
du fond de mon lit-cage
et je voyage je voyage
que sait-on d’un amour d’enfance
pour le ciel et ses nuances
et l’oiseau qui se balance
avec les vents émouvants
que sait-on de l’enfant
qui ne dit rien sinon maman
et tend les mains vers les nuées
jouets de la première année
hochets du monde où il est né
comme s’il était pardonné
***
Jean-Claude Pirotte (1939-2014), Gens sérieux s’abstenir, Ed° Le Castor Astral, 2014
vous ne les verrez pas souvent car où est la foule ils ne sont pas. ces gens bizarres, pas et des ils sont parfois je crois ou ou parfois parfois je me rappelle visage rêveur où |
you wont see them often for wherever the crowds are they are not. these odd ones, not and from the they are sometimes i think or or sometimes sometimes i remember face dreaming where |
Je me suis pâmé, il y a huit jours, devant un campement de Bohémiens qui s’étaient établis à Rouen. Voilà la troisième fois que j’en vois. Et toujours avec un nouveau plaisir. L’admirable, c’est qu’ils excitaient la Haine des bourgeois, bien qu’inoffensifs comme des moutons. Je me suis fait très mal voir de la foule en leur donnant quelques sols. Et j’ai entendu de jolis mots à la Prudhomme. Cette haine-là tient à quelque chose de très profond et de complexe. On la retrouve chez tous les gens d’ordre. C’est la haine qu’on porte au Bédouin, à l’Hérétique, au Philosophe, au solitaire, au poète. Et il y a de la peur dans cette haine. Moi qui suis toujours pour les minorités, elle m’exaspère. Du jour où je ne serai plus indigné, je tomberai à plat, comme une poupée à qui on retire son bâton.
Entre parenthèses, j’ai de gros problèmes de connexion en ce moment, alors je ne poste pas trop car la moindre opération sur internet me prend un temps fou, et encore, si j’ai au moins accès à internet… Bonne lecture !
Le 31 du mois d’Août 1914
Je partis de Deauville un peu avant minuit
Dans la petite auto de Rouveyre
Avec son chauffeur nous étions trois
Nous dîmes adieu à toute une époque
Des géants furieux se dressaient sur l’Europe
Les aigles quittaient leur aire en attendant le soleil
Les poissons voraces montaient des abîmes
Les peuples accouraient pour se connaître à fond
Les morts tremblaient de peur dans leurs sombres demeures
Les chiens aboyaient vers là-bas où étaient les frontières
Je m’en allais portant en moi toutes ces armées qui se battaient
Je les sentais monter en moi et s’étaler les contrées où elles serpentaient
Avec les forêts les villages heureux de la Belgique
Francorchamps avec l’Eau Rouge et les pouhons
Région par où se font toujours les invasions
Artères ferroviaires où ceux qui s’en allaient mourir saluaient encore une fois la vie colorée
Océans profonds où remuaient les monstres
Dans les vieilles carcasses naufragées
Hauteurs inimaginables où l’homme combat
Plus haut que l’aigle ne plane
L’homme y combat contre l’homme
Et descend tout à coup comme une étoile filante
Je sentais en moi des êtres neufs pleins de dextérité
Bâtir et aussi agencer un univers nouveau
Un marchand d’une opulence inouïe et d’une taille prodigieuse
Disposait un étalage extraordinaire
Et des bergers gigantesques menaient
De grands troupeaux muets qui broutaient les paroles
Et contre lesquels aboyaient tous les chiens sur la route
Et quand après avoir passé l’après-midi
Par Fontainebleau
Nous arrivâmes à Paris
Au moment où l’on affichait la mobilisation
Nous comprîmes mon camarade et moi
Que la petite auto nous avait conduits dans une époque
Nouvelle
Et bien qu’étant déjà tous deux des hommes mûrs
Nous venions cependant de naître
***
Apollinaire – Calligrammes, 1918
Texte de la partie en calligramme :
Je n’oublierai jamais ce voyage nocturne où nul de nous ne dit un mot.
O départ sombre où mouraient nos 3 phares
O nuit tendre d’avant la guerre
O villages où se hâtaient les
Maréchaux – ferrants rappelés
Entre minuit et une heure du matin
Vers Lisieux la très bleue
Ou bien
Versailles d’or
Et 3 fois nous nous arrêtâmes pour changer un pneu qui avait éclaté.
La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs
A des reflets d’argent, la mer
Des reflets changeants sous la pluie
La mer au ciel d’été confond ses blancs moutons
Avec les anges si purs, la mer
Bergère d’azur infinie
Voyez près des étangs ces grands roseaux mouillés
Voyez ces oiseaux blancs et ces maisons rouillées
La mer les a bercé le long des golfes clairs
Et d’une chanson d’amour, la mer
A bercé mon coeur pour la vie
La mer qu’on voit danser le long des golfes clairs
A des reflets d’argent, la mer
Des reflets changeants sous la pluie
La mer au ciel d’été confond ses blancs moutons
Avec les anges si purs, la mer
Bergère d’azur infinie
Voyez près des étangs ces grands roseaux mouillés
Voyez ces oiseaux blancs et ces maisons rouillées
La mer les a bercé le long des golfes clairs
Et d’une chanson d’amour, la mer
A bercé mon coeur pour la vie
Si vous aimez les comparaisons épiques saugrenues, en voilà une : Ulysse, qui n’a vraiment pas de chance, vient de s’échapper de l’île de Calypso, sur un radeau. Poséidon déclenche alors un orage qui le jette à l’eau. Qui reste dans le radeau ? Je vous aide, son nom est Personne… Heureusement, Athéna s’arrange pour qu’Ulysse puisse s’accrocher à un rocher ; mais l’orage le déloge vite, ce qui donne lieu à une comparaison surprenante…
Il échappa ainsi ; mais au retour, fondant sur lui,
le choc terrible du ressac le rejeta au large.
Comme quand le poulpe qu’on arrache à sa retraite
emporte des cailloux accrochés à ses tentacules,
Ulysse avait laissé attachés au rocher
des lambeaux de ses mains hardies ; le flot le recouvrit.
***
L’Odyssée, chant V, v. 430-435
Bien après les jours et les saisons, et les êtres et les pays,
Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Remis des vieilles fanfares d’héroïsme – qui nous attaquent encore le cœur et la tête – loin des anciens assassins –
Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques ; (elles n’existent pas.)
Douceurs !
Les brasiers, pleuvant aux rafales de givre, – Douceurs ! – les feux à la pluie du vent de diamants jetée par le cœur terrestre éternellement carbonisé pour nous.
– O monde ! –
(Loin des vieilles retraites et des vieilles flammes, qu’on entend, qu’on sent,)
Les brasiers et les écumes. La musique, virement des gouffres et choc des glaçons aux astres.
O Douceurs, ô monde, ô musique ! Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux, flottant. Et les larmes blanches, bouillantes, – ô douceurs ! – et la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques.
Le pavillon…
***
Rimbaud, Illuminations
Pour une lecture du texte par un vieux baroudeur, cliquez ici
Quand tu aimes il faut partir
Quitte ta femme quitte ton enfant
Quitte ton ami quitte ton amie
Quitte ton amante quitte ton amant
Quand tu aimes il faut partir
Le monde est plein de nègres et de négresses
Des femmes des hommes des hommes des femmes
Regarde les beaux magasins
Ce fiacre cet homme cette femme ce fiacre
Et toutes les belles marchandises
II y a l’air il y a le vent
Les montagnes l’eau le ciel la terre
Les enfants les animaux
Les plantes et le charbon de terre
Apprends à vendre à acheter à revendre
Donne prends donne prends
Quand tu aimes il faut savoir
Chanter courir manger boire
Siffler
Et apprendre à travailler
Quand tu aimes il faut partir
Ne larmoie pas en souriant
Ne te niche pas entre deux seins
Respire marche pars va-t’en
Je prends mon bain et je regarde
Je vois la bouche que je connais
La main la jambe l’œil
Je prends mon bain et je regarde
Le monde entier est toujours là
La vie pleine de choses surprenantes
Je sors de la pharmacie
Je descends juste de la bascule
Je pèse mes 80 kilos
Je t’aime
***
in, « Feuilles de route », 1924
« Notre vie est un voyage
Dans l’hiver et dans la nuit
Nous cherchons notre passage
Dans le Ciel où rien ne luit. »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit.
(texte récité par Bernard Lavilliers ici)
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir connu
Les chiens noirs du Mexique
Qui dorment sans rêver
Les singes à cul nu
Dévoreurs de tropiques
Les araignées d’argent
Au nid truffé de bulles
Je voudrais pas crever
Sans savoir si la lune
Sous son faux air de thune
A un côté pointu
Si le soleil est froid
Si les quatre saisons
Ne sont vraiment que quatre
Sans avoir essayé
De porter une robe
Sur les grands boulevards
Sans avoir regardé
Dans un regard d’égout
Sans avoir mis mon zobe
Dans des coinstots bizarres
Je voudrais pas finir
Sans connaître la lèpre
Ou les sept maladies
Qu’on attrape là-bas
Le bon ni le mauvais
Ne me feraient de peine
Si si si je savais
Que j’en aurai l’étrenne
Et il y a z aussi
Tout ce que je connais
Le fond vert de la mer
Où valsent les brins d’algue
Sur le sable ondulé
L’herbe grillée de juin
La terre qui craquelle
L’odeur des conifères
Et les baisers de celle
Que ceci que cela
La belle que voilà
Mon Ourson, l’Ursula
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir usé
Sa bouche avec ma bouche
Son corps avec mes mains
Le reste avec mes yeux
J’en dis pas plus faut bien
Rester révérencieux
Je voudrais pas mourir
Sans qu’on ait inventé
Les roses éternelles
La journée de deux heures
La mer à la montagne
La montagne à la mer
La fin de la douleur
Les journaux en couleur
Tous les enfants contents
Et tant de trucs encore
Qui dorment dans les crânes
Des géniaux ingénieurs
Des jardiniers joviaux
Des soucieux socialistes
Des urbains urbanistes
Et des pensifs penseurs
Tant de choses à voir
A voir z et à entendre
Tant de temps à attendre
A chercher dans le noir
Et moi je vois la fin
Qui grouille et qui s’amène
Avec sa gueule moche
Et qui m’ouvre ses bras
De grenouille bancroche
Je voudrais pas crever
Non monsieur non madame
Avant d’avoir tâté
Le goût qui me tourmente
Le goût qu’est le plus fort
Je voudrais pas crever
Avant d’avoir goûté
La saveur de la mort…
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue:
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien:
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
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