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Ce poème a été écrit par William Ernest Henley suite à l’amputation de son pied. Il fut l’une des sources d’inspiration de Nelson Mandela, enfermé pendant 27 ans à la prison de Robben Island (source).

Dans les ténèbres qui m’enserrent,
Noires comme un puits où l’on se noie,
Je rends grâce aux dieux quels qu’ils soient,
Pour mon âme invincible et fière.

Dans de cruelles circonstances,
Je n’ai ni gémi ni pleuré.
Meurtri par cette existence,
Je suis debout bien que blessé.

En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l’ombre de la mort,
Je ne sais ce que me réserve le sort,
Mais je suis et je resterai sans peur.

Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin :
Je suis le capitaine de mon âme.

 

***

Out of the night that covers me,
Black as the pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
Finds and shall find me unafraid.

It matters not how strait the gate,
How charged with punishments the scroll,
I am the master of my fate:
I am the captain of my soul.

En montagne, le plus court chemin va de sommet en sommet : mais tu dois avoir de longues jambes si tu veux l’emprunter. Il faut que les sentences soient des sommets : et ceux à qui l’on parle, gens de haute taille et d’allure élancée.

Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, partie 1, ch. « de la lecture et de l’écriture »

En fait la peur de la mort est indépendante de toute connaissance ; car l’animal l’éprouve, quoiqu’il ne connaisse pas la mort. Tout ce qui est engendré l’apporte avec soi en ce monde. Mais cette peur a priori de la mort n’est que le revers de la volonté de vivre, dont nous participons tous.
[…]
Or, l’attachement sans bornes à la vie, qui ressort de ces faits, ne peut avoir pris sa source dans la connaissance et la réflexion ; aux yeux de cette dernière il paraît plutôt insensé, car la valeur objective de la vie se présente de façon très incertaine, et il reste pour le moins douteux que la vie soit préférable au non-être ; même, si l’expérience et la réflexion ont voix au chapitre, le non-être devrait gagner la partie. Si l’on frappait aux tombeaux et que l’on demandait aux morts s’ils voudraient revenir au jour, ils secoueraient la tête en signe de refus. Telle est aussi l’opinion de Socrate, dans l’Apologie de Platon, et même l’aimable et enjoué Voltaire ne peut s’empêcher de dire : « on aime la vie, mais le néant ne laisse pas d’avoir du bon », et encore : »je ne sais pas ce que c’est que la vie éternelle, mais celle-ci est une mauvaise plaisanterie ».
[…]
La nature, en revanche, qui ne ment jamais, mais est au contraire sincère et franche, parle de ce sujet de toute autre manière, à savoir comme le fait Krischna dans Bhagavad-Gita. Voici sa sentence : la mort et la vie de l’individu sont dénués de toute importance. Cela elle l’exprime en livrant la vie de chaque animal, et aussi celle de l’homme, aux hasards les plus insignifiants, sans intervenir pour la sauver. – Observez l’insecte qui se trouve sur votre chemin : une légère et inconsciente modification de votre pas décide de sa vie ou de sa mort. Voyez la limace des bois, privéede tout moyen de fuir, de se défendre, de tromper l’ennemi, de se cacher, proie toute prête pour chacun. […] Or, en livrant ainsi ces organismes élaborés avec un art indicible, non seulement à la rapacité du plus fort, mais aussi au hasard le plus aveugle, au caprice de chaque fou, à l’espièglerie de chaque enfant, la nature déclare que l’anéantissement de ces individus lui est indifférent, ne lui nuit pas, ne signifie rien pour elle, et que dans tous les cas, l’effet importe aussi peu que la cause.
[…]
Nous conclurons en ce sens […] comme une sorte de « tour de passe-passe » qui se produirait alors. En effet, que ce qu’il y a de moins parfait, de plus vil, à savoir la substance inorganisée, continue d’exister tranquillement, alors que précisément les êtres les plus parfaits, les êtres vivants, avec leur organisation infiniment compliquée et infiniment ingénieuse, doivent toujours avoir à renaître totalement, puis être réduits à un néant absolu après un court espace de temps, pour faire place encore à des êtres nouveaux, semblables à eux, venus du néant à l’existence, – c’est là une pensée si manifestement absurde qu’elle ne peut, au grand jamais, représenter l’ordre véritable des choses, mais plutôt exactement un voile qui les cache, plus exactement un phénomène conditionné par notre intellect. […] C’est en vérité seulement un patois du pays […].
[…]
Si je tue une bête, que ce soit un chien, un oiseau, une grenouille, ou même seulement un insecte, il est au fond inconcevable que cet être, ou plutôt la force originelle grâce à laquelle un phénomène si digne d’admiration apparaissait, encore à l’instant d’avant, dans la plénitude de son énergie et de sa vitalité, devrait avoir été réduit à néant par mon acte méchant et étourdi. – Et d’autre part, les millions d’animaux de tout genre, qui, à chaque instant, dans leur infinie variété, accèdent à l’existence, pleins de force et de désirs, ne peuvent en aucune façon n’avoir rien été du tout avant l’acte de leur procréation et être parvenus à un commencement absolu à partir du néant.
[…]
Tout cela, c’est la grande leçon d’immortalité que nous donne la nature, désireuse de nous faire comprendre qu’entre le sommeil et la mort il n’y a pas de différence radicale, et que celle-ci ne met pas plus l’existence en danger que celui-là. Le soin avec lequel l’insecte prépare une cellule, ou une fosse, ou un nid, y dépose son oeuf avec de la nourriture pour la larve qui en sortira au printemps, et ensuite meurt paisiblement, ressemble tout à fait au soin avec lequel un homme apprête le soir ses vêtements et son déjeuner pour le matin suivant, et ensuite va tranquillement dormir, et au fond tout cela serait impossible, si l’insecte qui meurt en automne n’était pas en soi et d’après son essence véritable, aussi identique à celui qui éclôt au printemps, que l’homme qui se couche pour dormir à celui qui se lève le lendemain.

***

Arthur Schopenhauer – Métaphysique de la mort (1890, extraits), in Compléments au Monde comme Volonté et comme Représentation, éd. 10/18, trad.  Marianna Simon.

C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires ; puis, s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin, venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve, la visière brillait.

***

Flaubert, Madame Bovary, 1857

Si j’ai encore un conseil à vous donner, mon ange, c’est de ne pas plus tenir à vos opinions qu’à vos paroles. Quand on vous les demandera, vendez-les. Un homme qui se vante de ne jamais changer d’opinion est un homme qui se charge d’aller toujours en ligne droite, un niais qui croit à l’infaillibilité. Il n’y a pas de principes, il n’y a que des circonstances : l’homme supérieur épouse les événements et les circonstances pour les conduire. S’il y avait des principes et des lois fixes les peuples n’en changeraient pas comme nous changeons de chemises. L’homme n’est pas tenu d’être plus sage que toute une nation. L’homme qui a rendu le moins de services à la France est un fétiche vénéré pour avoir toujours vu en rouge, il est tout au plus bon à mettre au Conservatoire, parmi les machines, en l’étiquetant La Fayette ; tandis que le prince auquel chacun lance sa pierre, et qui méprise assez l’humanité pour lui cracher au visage autant de serments qu’elle en demande, a empêché le partage de la France au congrès de Vienne : on lui doit des couronnes. on lui jette de la boue. Oh ! je connais les affaires, moi ! J’ai les secrets de bien des hommes ! Suffit. J’aurai une opinion inébranlable le jour où j’aurai rencontré trois têtes d’accord sur l’emploi d’un principe, et j’attendrai longtemps ! L’on ne trouve pas dans les tribunaux trois juges qui aient le même avis sur un article de loi.

Le Père Goriot, Balzac, 1835 – Illustration d’époque : le personnage de Vautrin

Qu’est-ce pour nous, mon cœur, que les nappes de sang
Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris
De rage, sanglots de tout enfer renversant
Tout ordre ; et l’Aquilon encor sur les débris

Et toute vengeance ? Rien !… — Mais si, toute encor,
Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats,
Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas !
Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d’or !

Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur,
Mon esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez,
Républiques de ce monde ! Des empereurs,
Des régiments, des colons, des peuples, assez !

Qui remuerait les tourbillons de feu furieux,
Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ?
À nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire.
Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !

Europe, Asie, Amérique, disparaissez.
Notre marche vengeresse a tout occupé,
Cités et campagnes ! — Nous serons écrasés !
Les volcans sauteront ! et l’océan frappé…

Oh ! mes amis ! — mon cœur, c’est sûr, ils sont des frères :
Noirs inconnus, si nous allions ! allons ! allons !
Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre,
Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond,

Ce n’est rien ! j’y suis ! j’y suis toujours.

***

Photo : Richard Lam – Le Baiser de Vancouver. La photo a été prise pendant des émeutes, sans mise en scène.

Chaque fois que les gens découvrent son mensonge,
Le châtiment lui vient, par la colère accru.
« Je suis cuit, je suis cuit !  » gémit-il comme en songe.

Le menteur n’est jamais cru.

***

Illustration : détail du Jugement dernier, Bosch

 

Complice, complice, c’est comme auteur. Nous en sommes les complices, nous en sommes les auteurs. Complice, complice, c’est autant dire auteur.

Celui qui laisse faire est comme celui qui fait faire. C’est tout un. Ça va ensemble. Et celui qui laisse faire et celui qui fait faire ensemble, c’est comme celui qui fait, c’est autant que celui qui fait. […] C’est pire que celui qui fait. Car celui qui fait, il a au moins le courage de faire. Celui qui commet un crime, il a au moins le courage de le commettre. Et quand on le laisse faire, il y a le même crime ; c’est le même crime ; et il y a la lâcheté par dessus. Il y a la lâcheté en plus.

Il y a partout une lâcheté infinie.

Complice, complice, c’est pire qu’auteur, infiniment pire.

***

Le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, Charles Péguy (1873-1914)

Tableau : La Mort de Sainte Jeanne d’Arc sur le Bûcher, par Lionel Royer (1852-1926), Basilique de Domremy.

Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne.

Si j’ai du goût, ce n’est guères*
Que pour la terre et les pierres
Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! je pais l’air,
Le roc, les Terres, le fer.

Tournez, les faims ! paissez, faims,
Le pré des sons !
L’aimable et vibrant venin
Des liserons ;

Les cailloux qu’un pauvre brise,
Les vieilles pierres d’églises,
Les galets, fils des déluges,
Pains couchés aux vallées grises !

Mes faims, c’est les bouts d’air noir ;
L’azur sonneur ;
– C’est l’estomac qui me tire.
C’est le malheur.

Sur terre ont paru les feuilles :
Je vais aux chairs de fruits blettes,
Au sein du sillon je cueille
La doucette et la violette.

Ma faim, Anne, Anne !
Fuis sur ton âne.

***

« guères » : l’orthographe est telle que Rimbaud l’a écrite…

Déjà les beaux jours, la poussière,
Un ciel d’azur et de lumière,
Les murs enflammés, les longs soirs ;
Et rien de vert : à peine encore
Un reflet rougeâtre décore
Les grands arbres aux rameaux noirs !

Ce beau temps me pèse et m’ennuie.
Ce n’est qu’après des jours de pluie
Que doit surgir, en un tableau,
Le printemps verdissant et rose,
Comme une nymphe fraîche éclose
Qui, souriante, sort de l’eau.

***

Gérard de Nerval (1808-1855) (« Odelettes« )

Tableau : Monet, Nymphéas, 1908

Ce que j’écris :

La phrase qui tue :

Peu m'importe.
Peu m'importe quoi ? Je ne sais 
pas ; peu m'importe.
                    Fernando Pessoa

Classement par auteurs

Haïku !!!

Sans savoir pourquoi
                     j'aime ce monde
   où nous venons mourir___

                 Natsume Sôseki

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