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A Raymond-le-chien

Ah oui ça c’est bien vrai
Que c’était pas comme ça
De mon temps de ton temps
On respectait les vieux
On marchait sul trottoir
On la tournait sa langue
Dissette fois dans sa bouche
Avant d’oser causer
Et les gauloiz coûtaient
Dix centimes-deux sous
Mais ils ont tout changé
On n’a plus de respect
Pour les vieux pour les vieux
On fait l’amour avec
Des sinjenpantalons
On roul dans des voitures
Qui marche-t-au pétrole
Et puis et puis surtout
Ah merde merde merde
On est vieux, on est vieux …

Ce sonnet parle de Clairac, la ville natale du poète, qui a été dévastée au début du XVIIe, à la reprise des guerres de religion du siècle précédent.

Sacrés murs du Soleil où j’adorais Philis,
Doux séjour où mon âme était jadis charmée,
Qui n’est plus aujourd’hui sous nos toits démolis
Que le sanglant butin d’une orgueilleuse armée;

Ornements de l’autel qui n’êtes que fumée,
Grand temple ruiné, mystères abolis,
Effroyables objets d’une ville allumée,
Palais, hommes, chevaux ensemble ensevelis;

Fossés larges et creux tout comblés de murailles,
Spectacles de frayeur, de cris, de funérailles,
Fleuve par où le sang ne cesse de courir,

Charniers où les corbeaux et loups vont tous repaître,
Clairac, pour une fois que vous m’avez fait naître,
Hélas! combien de fois me faites-vous mourir!

Toujours ce souvenir m’attendrit et me touche,
Quand lui-même appliquant la flûte sur ma bouche,
Riant et m’asseyant sur lui, près de son coeur,
M’appelait son rival et déjà son vainqueur.
Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre
À souffler une haleine harmonieuse et pure ;
Et ses savantes mains prenaient mes jeunes doigts,
Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois,
Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore,
À fermer tour à tour les trous du buis sonore.

***

André Chénier (1762-1794)
Tableau : François Boucher, La Leçon de musique, 1749

***

Guillaume Apollinaire, Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre, 1918 – Gallimard

La lune s’attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l’archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l’azur des corolles.
C’était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S’enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d’un Rêve au cœur qui l’a cueilli.
J’errais donc, l’œil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m’es en riant apparue
Et j’ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d’enfant gâté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d’étoiles parfumées.

Nos souvenirs connaissent trois périodes.
Dans la première, tout est comme hier,
l’âme se plaît sous leurs voûtes bénies,
le corps se plaît dans leur ombre propice
le rire vit encore, les larmes coulent,
la tache d’encre est encore sur la table –
et ce baiser comme un sceau sur le cœur,
unique inoubliable, baiser d’adieu…
Mais cette période n’est pas très longue.
Au lieu de voûtes bénies, une maison
solitaire dans un lointain faubourg,
où il fait froid l’hiver et chaud l’été,
où la poussière et l’araignée s’étalent,
où les lettres brûlantes en cendres tombent
et les portraits s’altèrent en cachette.
On y va comme on va sur les tombes,
en rentrant on se lave les mains,
en essuyant une larme fugace
des yeux lassés, avec un lourd soupir…
Mais l’horloge tictaque, les printemps
se suivent sans répit, le ciel rosit ;
le nom des villes eux-mêmes changent, et
s’en vont les témoins des événements.
Qui va pleurer, qui va se souvenir
et lentement nous abandonnent les ombres
que nous n’appelons plus, dont le retour
nous aurait même été effrayant.
Soudain éveillés, nous constatons que nous avons oublié jusqu’au chemin
de cette maison. Étouffant de honte,
nous y courons, mais (comme dans tous les rêves)
tout a changé : êtres, choses, murs –
Nous sommes étrangers. On nous ignore ;
Ailleurs, nous sommes ailleurs… seigneur Dieu !
Puis vient le plus terrible : nous voyons
que nous ne pourrions mettre ce passé
dans notre vie présente, et qu’il est
devenu aussi étranger pour nous
que pour notre voisin de palier ; que
nous ne saurions reconnaître nos morts
et que ceux dont le sort nous sépara
s’en accommodent parfaitement. Et même
que tout est pour le mieux…

***

Anna Akhmatova, « Quatrième élégie », in Elégies du Nord, Course du temps, 1945

Tableau : Van Gogh, « Pêchers en fleurs, souvenir de Mauves », 1888

Je trouve très raisonnable la croyance celtique que les âmes de ceux que nous avons perdus sont captives dans quelque être inférieur, dans une bête, un végétal, une chose inanimée, perdues en effet pour nous jusqu’au jour, qui pour beaucoup ne vient jamais, où nous nous trouvons passer près de l’arbre, entrer en possession de l’objet qui est leur prison. Alors elles tressaillent, nous appellent, et sitôt que nous les avons reconnues, l’enchantement est brisé. Délivrées par nous, elles ont vaincu la mort et reviennent vivre avec nous.

Il en est ainsi de notre passé. C’est peine perdue que nous cherchions à l’évoquer, tous les efforts de notre intelligence sont inutiles. Il est caché hors de son domaine et de sa portée, en quelque objet matériel (en la sensation que nous donnerait cet objet matériel), que nous ne soupçonnons pas. Cet objet, il dépend du hasard que nous le rencontrions avant de mourir, ou que nous ne le rencontrions pas.

***

Marcel Proust, A la Recherche du temps perdu, tome I, Du Côté de chez Swann, 1913


Ils étaient quatre qui n’avaient plus de tête,
Quatre à qui l’on avait coupé le cou,
On les appelait les quatre sans cou.

Quand ils buvaient un verre,
Au café de la place ou du boulevard,
Les garçons n’oubliaient pas d’apporter des entonnoirs.

Quand ils mangeaient, c’était sanglant,
Et tous quatre chantant et sanglotant,
Quand ils aimaient, c’était du sang.

Quand ils couraient, c’était du vent,
Quand ils pleuraient, c’était vivant,
Quand ils dormaient, c’était sans regret.

Quand ils travaillaient, c’était méchant,
Quand ils rodaient, c’était effrayant,
Quand ils jouaient, c’était différent,

Quand ils jouaient, c’était comme tout le monde,
Comme vous et moi, vous et nous et tous les autres,
Quand ils jouaient, c’était étonnant.

Mais quand ils parlaient, c’était d’amour.
Ils auraient pour un baiser
Donné ce qui leur restait de sang.

Leurs mains avaient des lignes sans nombre
Qui se perdraient parmi les ombres
Comme des rails dans la forêt.

Quand ils s’asseyaient, c’était plus majestueux que des rois
Et les idoles se cachaient derrière leur croix
Quand devant elles ils passaient droits.

On leur avait rapporté leur tête
Plus de vingt fois, plus de cent fois,
Les ayant retrouves à la chasse ou dans les fêtes,

Mais jamais ils ne voulurent reprendre
Ces têtes où brillaient leurs yeux,
Où les souvenirs dormaient dans leur cervelle.

Cela ne faisait peut-être pas l’affaire
Des chapeliers et des dentistes.
La gaîté des uns rend les autres tristes.

Les quatre sans cou vivent encore, c’est certain,
J’en connais au moins un
Et peut-être aussi les trois autres,

Le premier, c’est Anatole,
Le second, c’est Croquignole,
Le troisième, c’est Barbemolle,
Le quatrième, c’est encore Anatole.

Je les vois de moins en moins,
Car c’est déprimant, à la fin,
La fréquentation des gens trop malins.

***

Robert Desnos, Les Sans cou, 1934

illustration : court-métrage réalisé par Cedric Grech, production  C.chromatique

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux formes ont tout à l’heure passé.

Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.

Dans le vieux parc solitaire et glacé
Deux spectres ont évoqué le passé.

– Te souvient-il de notre extase ancienne?
– Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne?

– Ton coeur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois tu mon âme en rêve? – Non.

– Ah! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches! – C’est possible.

Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir!
– L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.

Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.

***

Paul Verlaine, Fêtes galantes, 1869

le ciel est par dessus le toit.
si bleu, si calme
un arbre par dessus le toit
berce sa palme

la cloche, dans le ciel qu’on voit
doucement tinte
un oiseau sur l’arbre qu’on voit
chante sa plainte

mon dieu, mon dieu, la vie est là
simple et tranquille
cette plaisible rumeur là
vient de la ville

qu’as tu fait, ô toi que voilà
pleurant sans cesse
dis, qu’as tu fait, toi que voilà
de ta jeunesse ?

***

Paul Verlaine, Sagesse, 1881

Ce que j’écris :

La phrase qui tue :

Peu m'importe.
Peu m'importe quoi ? Je ne sais 
pas ; peu m'importe.
                    Fernando Pessoa

Classement par auteurs

Haïku !!!

Sans savoir pourquoi
                     j'aime ce monde
   où nous venons mourir___

                 Natsume Sôseki

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