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Est-il défaut plus grand que d’être conscient du défaut d’autrui ?

***

Si autrui rit de vous, vous pouvez avoir pitié de lui ; mais si vous riez de lui, vous ne pourrez jamais vous le pardonner.

Si autrui vous blesse, vous pouvez oublier la blessure ; mais si vous le blessez, vous vous en rappellerez toujours.

En vérité, autrui est votre moi le plus sensible, auquel on a donné un autre corps.

Ceux dont les croyances sont basées sur l’hypocrisie

Veulent faire une distinction entre l’âme et le corps.

Moi, je sais que le vin a le seul mot de l’énigme

Et qu’il donne conscience d’une parfaite unité.

 

une personne qui se bat est à vrai dire la personne qui ne s’est pas battue et a été aussi la personne qui ne se bat pas si la personne qui se bat a donc envie d’un spectacle où on se bat il suffit que soit la personne qui ne s’est pas battue assiste à un spectacle où on se bat soit la personne qui ne se bat pas assiste à un spectacle où on se bat soit la personne qui ne s’est pas battue ou la personne qui ne se bat pas assiste à un spectacle où on ne se bat pas et si c’est fait c’est tout

Dali, Le Combat des cavaliers

dans un papier à tapisser déchiré je vois un papillon qui est en train de mourir il est un passage secret qui va et vient sans cesse vers le monde d’outre tombe je vois un jour dans mes moustaches le papillon qui est en train de mourir dont les ailes lourdes sont pendantes le papillon mange de la rosée pauvre des gouttes de mon haleine si j’étais mort de boucher le passage avec ma paume le papillon s’envolerait comme on s’assoie puis se lève mais on doit ne pas laisser filtrer cette parole à l’extérieur

***

Yi Sang (1910-1937), Perspective à vol de corneille

Yi Sang est le Rimbaud coréen, en plus moderne. Les quelques poèmes que j’ai trouvés de lui sont écrits dans un style presque algorithmique, tout en défiant les lois les plus élémentaires de la logique.  L’ambiance est parfois assez dérangeante…

13 enfants courent dans une rue.
(une impasse pourrait convenir)

L’enfant N°1 dit qu’il a peur.
L’enfant N°2 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°3 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°4 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°5 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°6 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°7 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°8 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°9 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°10 aussi dit qu’il a peur.

L’enfant N°11 dit qu’il a peur.
L’enfant N°12 aussi dit qu’il a peur.
L’enfant N°13 aussi dit qu’il a peur.
Les 13 enfants n’étaient que des enfants
effrayants et effrayés.
(il valait mieux ne pas avoir d’autre situation)

Parmi eux, 1 enfant pourrait être effrayant.
Parmi eux, 2 enfants pourraient être effrayants.
Parmi eux, 2 enfants pourraient être effrayés.
Parmi eux, 1 enfant pourrait être effrayé.

(même une ruelle ouverte pourrait convenir)
Les 13 enfants peuvent ne pas courir dans la rue.

***

Yi Sang, 1910-1937, Perspective à vol de corneille, traduit par Chang-Kyum Kim avec la participation de Claude Mouchard (source)

Je rencontrai, dans mes voyages, un vieux bramin, homme fort sage, plein d’esprit et très savant ; de plus, il était riche, et, partant, il en était plus sage encore ; car, ne manquant de rien, il n’avait besoin de tromper personne. Sa famille était très bien gouvernée par trois belles femmes qui s’étudiaient à lui plaire ; et, quand il ne s’amusait pas avec ses femmes, il s’occupait à philosopher.

Près de sa maison, qui était belle, ornée et accompagnée de jardins charmants, demeurait une vieille Indienne, bigote, imbécile et assez pauvre.

Le bramin me dit un jour : « Je voudrais n’être jamais né. » Je lui demandai pourquoi ; il me répondit : « J’étudie depuis quarante ans, ce sont quarante années de perdues ; j’enseigne les autres, et j’ignore tout : cet état porte dans mon âme tant d’humiliation et de dégoût, que la vie m’est insupportable. Je suis né, je vis dans le temps, et je ne sais pas ce que c’est que le temps : je me trouve dans un point entre deux éternités, comme disent nos sages, et je n’ai nulle idée de l’éternité : je suis composé de matière ; je pense, je n’ai jamais pu m’instruire de ce qui produit la pensée : j’ignore si mon entendement est en moi une simple faculté, comme celle de marcher, de digérer, et si je pense avec ma tête comme je prends avec mes mains. Non seulement le principe de ma pensée m’est inconnu, mais le principe de mes mouvements m’est également caché : je ne sais pourquoi j’existe ; cependant on me fait chaque jour des questions sur tous ces points : il faut répondre ; je n’ai rien de bon à dire ; je parle beaucoup, et je demeure confus et honteux de moi-même après avoir parlé.

« C’est bien pis quand on me demande si Brama a été produit par Vitsnou ou s’ils sont tous deux éternels. Dieu m’est témoin que je n’en sais pas un mot, et il y paraît bien à mes réponses. « Ah! mon révérend père, me dit-on, apprenez-nous comment le mal inonde toute la terre. » Je suis aussi en peine que ceux qui me font cette question ; je leur dis quelquefois que tout est le mieux du monde ; mais ceux qui ont été ruinés et mutilés à la guerre n’en croient rien, ni moi non plus : je me retire chez moi accablé de ma curiosité et de mon ignorance. Je lis nos anciens livres, et ils redoublent mes ténèbres. Je parle à mes compagnons : les uns me répondent qu’il faut jouir de la vie et se moquer des hommes ; les autres croient savoir quelque chose, et se perdent dans des idées extravagantes : tout augmente le sentiment douloureux que j’éprouve. Je suis prêt quelquefois de tomber dans le désespoir, quand je songe qu’après toutes mes recherches, je ne sais ni d’où je viens, ni ce que je suis, ni où j’irai, ni ce que je deviendrai. »

L’état de ce bonhomme me fit une vraie peine : personne n’était ni plus raisonnable, ni de meilleure foi que lui. Je conçus que, plus il avait de lumières dans son entendement et de sensibilité dans son coeur, plus il était malheureux.

Je vis, le même jour, la vieille femme qui demeurait dans son voisinage ; je lui demandai si elle avait jamais été affligée de ne savoir pas comment son âme était faite. Elle ne comprit seulement pas ma question : elle n’avait jamais réfléchi un seul moment de sa vie sur un seul des points qui tourmentaient le bramin ; elle croyait aux métamorphoses de Vitsnou de tout son coeur, et, pourvu qu’elle pût avoir quelquefois de l’eau du Gange pour se laver, elle se croyait la plus heureuse des femmes.

Frappé du bonheur de cette pauvre créature, je revins à mon philosophe, et je lui dis : « N’êtes-vous pas honteux d’être malheureux dans le temps qu’à votre porte il y a un vieil automate qui ne pense à rien et qui vit content? — Vous avez raison, me répondit-il ; je me suis dit cent fois que je serais heureux si j’étais aussi sot que ma voisine, et cependant je ne voudrais pas d’un tel bonheur. »

Cette réponse de mon bramin me fit une plus grande impression que tout le reste : je m’examinai moi-même, et je vis qu’en effet je n’aurais pas voulu être heureux à condition d’être imbécile.

Je proposai la chose à des philosophes, et ils furent de mon avis. « Il y a pourtant, disais-je, une furieuse contradiction dans cette manière de penser ; car, enfin, de quoi s’agit-il? d’être heureux. Qu’importe d’avoir de l’esprit ou d’être sot? Il y a bien plus : ceux qui sont contents de leur être sont bien sûrs d’être contents ; ceux qui raisonnent ne sont pas si sûrs de bien raisonner. Il est donc clair, disais-je, qu’il faudrait choisir de n’avoir pas le sens commun, pour peu que ce sens commun contribue à notre mal-être. » Tout le monde fut de mon avis ; et cependant je ne trouvai personne qui voulût accepter le marché de devenir imbécile pour devenir content. De là je conclus que, si nous faisons cas du bonheur, nous faisons encore plus cas de la raison.

Mais, après y avoir réfléchi, il paraît que de préférer la raison à la félicité, c’est être très insensé. Comment donc cette contradiction peut-elle s’expliquer? Comme toutes les autres. Il y a là de quoi parler beaucoup.


"Nous commencerons par invoquer la Terre.
Toi qui es Terre,
             il faut savoir t'aimer.
En toi reposent le grain de nos moissons,
                              et les assises de nos maisons.
Dans ton sein, notre fer et notre charbon,
dans ton sein, notre vie,
                                      éphémère comme les vents,
                                                                         en toi...
Toi qui te nommes Terre,
                        tu changes sans répit.
Tu nous créas dans les gouttes de ton eau.
Nous te transformons
                      et nous nous transformons..."
Ainsi parle la page 21.
Sélime referma le livre.
Comprendre,
                     c'est chanter le premier chant de la liberté.
Et Sélime,
               fils-de-Chabane,
                                        chante...

***

Nazim Hikmet, Sélime, fils-de-Chabane et son Livre, VI

De temps à autre, un homme se dresse dans ce monde,
Etale sa fortune et proclame : c’est moi !
Sa gloire vit l’espace d’un rêve fêlé,
Déjà la mort se dresse et proclame : c’est moi !

***

Rien, ils ne savent rien, ne veulent rien savoir.
Vois-tu ces ignorants, ils dominent le monde.
Si tu n’es pas des leurs, ils t’appellent incroyant.
Néglige les, Khayyâm, suis ton propre chemin.

***

Au printemps, je vais quelquefois m’asseoir à la lisière d’un champ fleuri.
Lorsqu’une belle jeune fille m’apporte une coupe de vin,
Je ne pense guère à mon salut.
Si j’avais cette préoccupation, je vaudrais moins qu’un chien.

***

Le ciel est le joueur, et nous, rien que des pions.
C’est la réalité, non un effet de style.
Sur l’échiquier du monde, il nous place et déplace,
Puis nous lâche soudain dans le puits du néant.


Halil regarde le soleil,
il est là,
            loin, très haut,
rond
            rouge
                      et terne au-delà de la poussière.
Halil referme la fenêtre,
baisse les paupières.
Dans sa tête le soleil :
une masse de flammes, trois millions de fois deux mille millions de tonnes,
ni bon,
           ni mauvais,
                      ni beau,
                            ni laid,
                                ni juste,
                                      ni injuste,
une vie immense
          sans bornes,
une puissance de 100000 CV par mètre carré, ni nuit
          ni matin
                 ni espoir
                        ni hélas
                             ni haut
                                   ni bas
des trombes
         de gaz
                 blancs
soufflant à six cent mille kilomètres à l'heure,
atomes à l'état d'ions,
et c'est encore la mort,
                        et à nouveau la naissance
                                           et à nouveau la plénitude
avec des ruptures
            et des bonds
sans début ni fin
                      et qui ne m'est pas lié
           et qui existait avant moi
                                         et qui existera après moi.

***

Nazim Hikmet, En cette année 1941, extrait

Ce que j’écris :

La phrase qui tue :

Peu m'importe.
Peu m'importe quoi ? Je ne sais 
pas ; peu m'importe.
                    Fernando Pessoa

Classement par auteurs

Haïku !!!

Sans savoir pourquoi
                     j'aime ce monde
   où nous venons mourir___

                 Natsume Sôseki

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