AXIOME

Retirez le Q de la coquille : vous avez la couille, et ceci constitue précisément une coquille.


Je laisse à cet axiome, monsieur, le soin de perforer lui-même, de son bec rotatif à inser­tions de patacarbure de wolfram, les épaisses membranes dont s’entoure, par mesure de prudence, votre entendement toujours actif. Et je vous assène, le souffle repris, ce corollaire fascinant :

Et ceci est vrai; que la coquille initiale soit une coquille de coquillage ou une coquille d’imprimerie, bien que la coquille obtenue en fin de réaction soit toujours (à moins de marée extrêmement violente) une coquille d’imprimerie en même temps qu’une couille imprimée.

Vous entrevoyez d’un coup, je suppose, les conséquences à peine croyables de cette décou­verte. La guerre est bien loin.

Partons d’une coquille de coquillage, acarde ou ampullacée, bitestacée ou bivalve, bullée, caniculée ou cataphractée, chambrée, cloisonnée, cucullée… mais je ne vois pas l’intérêt de recopier dans son entier le dictionnaire analo­gique de Boissière. Bref, partons d’une coquille.
La suppression du Q entraîne presque immé­diatement la mutation du minéral inerte en un organe vivant et générateur. Et dans le cas d’une coquille initiale d’imprimeur, le résultat est encore plus spectaculaire, car la coquille en question est essence et abstraction, concept, être de raison, noumène. Le Q ôté permet le passage de l’essence à l’existence non seulement exis­tante mais excitable et susceptible de prolonge­ments.

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Boris Vian, in Cahier n° 19 du Collège de Pataphysique
(4 clinamen 82 =26 mars 1955), « Lettre au provéditeur-éditeur
sur un problème Quapital et quelques autres »