Mars
Ô pleurs d'amour, fureur !
D'eux-mêmes — jaillissant !
Ô la Bohème en pleurs !
En Espagne : le sang !
Noir, ô mont qui étend
Son ombre au monde entier !
Au Créateur : grand temps
De rendre mon billet
Refus d'être. De suivre.
Asile des non-gens :
Je refuse d'y vivre
Avec les loups régents
Des rues — hurler : refuse.
Quant aux requins des plaines —
Non ! — Glisser : je refuse —
Le long des dos en chaîne.
Oreilles obstruées,
Et mes yeux voient confus.
À ton monde insensé
Je ne dis que : refus.
***
Octobre 1934
une feuille vide et lisse
Les lieux, les noms, tous les indices,
Même les dates disparaissent.
Mon âme est née, où donc est-ce ?
Toute maison m'est étrangère,
Pour moi tous les temples sont vides,
Tout m'est égal, me désespère,
Sauf le sorbier d'un sol aride…
Ô larmes des obsèques,
Cris d'amour impuissants !
Dans les pleurs sont les Tchèques,
L'Espagne est dans le sang.
Comme elle est noire et grande,
La foule des malheurs !
Il est temps que je rende
Mon billet au Seigneur.
Dans ce Bedlam des monstres
Ma vie est inutile ;
À vivre je renonce
Parmi les loups des villes.
Hurlez, requins des plaines !
Je jette mon fardeau,
Refusant que m'entraîne
Ce grand courant des dos...
Voir... Non, je ne consens,
Écouter... Pas non plus ;
À ce monde dément
J'oppose mon refus !
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6 commentaires
Comments feed for this article
6 avril 2010 à 14:51
Désirée
Du grand oeuvre des Poètes. Merci je ne connaissais pas cette poétesse, mais j’en connais fort peu. Ce qui est impardonnable vu comme elles sont peu nombreuses. Connais-tu Andrée Sodenkamp Ad?
6 avril 2010 à 15:18
Ad
D’Andrée Sodenkamp, je ne connais rien d’autre que les poèmes qui sont sur ton site et je te remercie pour la découverte (voir ma réponse à ton com sur Gibran : j’ai vraiment aimé « Femme » que je réserve pour un futur post). Les poétesses sont rares en ce monde dominé par le mâle… Tellement rares qu’elles ont un tag pour elles seules ! Ce poème en deux versions est un coup de coeur de mes lectures d’hier. Pas très gai, mais qu’est-ce que ça fait du bien de lire ça !
8 avril 2010 à 13:27
Désirée
J’ai trois recueils d’Andrée. Ils sont difficiles à trouver, et souvent hors de prix. Si tu le souhaites je t’enverrai d’autres textes. Je n’ose pas en publier trop sur mon blog de peur de me faire taper sur les doigts par les ayants-droits et consorts…Je vais profiter du creux dans la Toile pour alimenter mes carnets. La poésie féminine est très différente de celles des hommes. Plus attachée aux petites choses, à l’instant. C’est une poésie lente souvent, très incarnée. J’aime beaucoup les poètes masculins, le sexe n’est pas le problème, mais si peu de place fut faite à la poésie des femmes que je me suis mise en quête d’en découvrir le plus possible, et humblement de la faire découvrir le plus possible…
8 avril 2010 à 17:29
Ad
Ouh là merci mais ne va pas t’embêter à me recopier des poèmes de Sodenkamp ! En revanche si tu as d’autres poétesses que je pourrai trouver par moi-même à me conseiller je suis preneur…
C’est vrai que je me suis posé la question des droits d’auteur : quand les oeuvres sont encore sous droits, je me dis que je ne vais pas être embêté pour une poignée de poèmes, et que je fais surtout leur promotion, certes très modestement ; j’espère que mon raisonnement est juste, sinon, ça pourrait très mal tourner.
18 juillet 2010 à 10:32
É
Bien le bonjour;
Tu sais, je t’avais parlé d’un poème de Marina, qui m’avait secouée, dans la mer d’huile de l’agreg… Un memento mori de plus, mais..
Comme il est court, j’ai bien envie de te le recopier. Allons, je m’exécute:
Pareil à moi, tu passes
Les yeux rivés au sol,
Je les baissais – aussi,
Passant, arrête-toi!
Boutons-d’or et pavots à la main,
Tu liras sur la pierre
Qu’on m’appelait Marina
Et l’âge que j’avais.
Non, ce n’est pas une tombe,
Je ne surgirai pas, menaçante.
J’ai trop aimé moi-même
Rire quand il ne faut pas.
Le sang frappait à mes tempes
Et mes boucles bouclaient;
Je fus aussi, passant!
Passant, arrête-toi!
Je n’accepte pas l’éternité
Pourquoi m’a-t-on ensevelie?
Je ne voulais pas quitter pour la terre –
Ma terre adorée.
Cueille une herbe sauvage
Et puis une fraise des bois –
Mûrie entre les tombes
Elle sera plus sucrée.
Mais ne te penche pas,
Triste, au-dessus de moi,
Évoque-moi sans peine,
Sans peine oublie-moi!
Comme le rayon t’éclaire
Il te poudroie d’or…
Que ma voix souterraine
Ne t’effarouche pas!
Koktebel, 3 mai 1913
Le ciel brûle
Un texte qui console. Ah, s’imaginer sous terre, jusqu’à anéantir son propre souvenir… Quelle chance d’être si misérables, humains!.. Ca nous ôte un peu de responsabilité… Qu’on ne me demande rien de trop, puisque je vais mourir…
Rien de suicidaire pourtant, la vie est précieuse (il y a les fraises des bois). Mais nous avons droit à des égards. Puisque nous allons mourir…
Cependant vivons, front au soleil.
Bonjour!
18 juillet 2010 à 14:34
Langda
Bien le bonjour à toi aussi, et merci pour ce très beau poème.
Ca me fait penser à ces vers de notre ami Archibald Reinbiture :
« Je sors. Si un rayon me blesse
Je succomberai sur la mousse. »
et plus loin :
« Je veux bien que les saisons m’usent »
L’idée de s’abandonner à la nature m’est très plaisante, même si c’est pour y crever et m’y dissoudre. La paix, au moins ! Et je serais très honoré que la matière de mes cellules puisse servir à gonfler la chair d’une fraise des bois. Peut-être le fruit séduirait-t-il quelque jolie bergère passant par là…
Il va falloir que je reposte tous les poèmes qu’on me met en commentaires, ils sont très bien et il faudrait que tout le monde en profite !